Abstract
Cette analyse critique se propose, dans un premier temps, de reconstituer le raisonnement apologétique de l'auteur et, dans un second temps, de l'évaluer critiquement. Ce raisonnement nous semble pouvoir se synthétiser comme suit. L’Église, qui tenait que «tout ce qui est contenu dans l’Écriture doit être cru» tant que des raisons contraignantes n’ont pas été avancées, a démontré, contrairement au seul exemple de condamnation portée au nom de convictions religieuses qui est le fait de l’antiquité païenne, qu’elle a été capable de renoncer à la lettre de l’Écriture, avant l’«affaire Galilée», en acceptant la sphéricité de la Terre et, après cette «affaire», en abandonnant le géocentrisme, qui n’était pas seulement la façon de parler du «vulgaire», mais celle de tous, au profit de l’héliocentrisme en 1757. Mais elle l’a fait, dans un cas comme dans l’autre, à condition que lui soit donnée une preuve valable, ce qui n’était pas le cas lors des événements de 1616 et 1633, comme en témoigne d’ailleurs le fait que les Coperniciens n’ont pas cessé d’avoir recours à la Bible et à des arguments de convenance. En revanche, en présence de tels arguments, l’Église n’aurait pas hésité à réviser son exégèse. Alors que le conflit entre l’astronomie nouvelle et l’Écriture sainte était potentiellement inévitable dès l’apparition de l’héliocentrisme, car le nouveau système cosmologique touche indirectement une question aussi essentielle que le géocentrisme anthropocentrique chrétien, l’Église, malgré une première hésitation, a pu laisser libre cours à la nouvelle théorie durant une septantaine d’années. Sa condamnation de l’héliocentrisme copernicien en 1616, qui n’est donc nullement la conséquence ni d’une acte précipité et irréfléchi de la part des Consulteurs du Saint-Office, ni d’une méconnaissance de leur part des connaissances scientifiques de l’époque, ni d’un durcissement consécutif au Concile de Trente et à la Réforme, ni la conséquence d’une attaque de Galilée portée sur le terrain de la Bible à défaut de pouvoir être menée avec efficacité au niveau astronomique, a été rendue nécessaire par l’attitude de Galilée et témoigne du souci de l’Église de sauver «les “tout-petits du Christ” qui pouvaient être atteints dans leur foi». Une telle condamnation, aujourd’hui inimaginable en raison d’une séparation des savoirs dont il faut bien se rappeler qu’elle n’était aucunement de mise lors de ces événements, aurait sans doute pu être évitée si l’Église avait tiré les leçons du premier conflit (celui de la sphéricité de la Terre), en prenant conscience de l’historicité du texte biblique, au lieu d’occulter quelle était la véritable cosmologie biblique.