Abstract
La phénoménologie a sondé l’unité dynamique du perçu et du perceptible au moyen de la notion de champ qui incarne une spontanéité d’avant la pensée. Jusqu’à Kant, la philosophie avait attribué cette unité du champ perceptif à un acte de l’entendement sans oser remonter ainsi dans le dos de la pensée. Si mon champ perceptif se déploie dans le sens de la succession, le champ d’autrui qui vient le compléter existe, lui, simultanément. C’est à Kant que la phénoménologie est redevable de l’exploration de la perception selon les trois modes du temps que sont la succession, la simultanéité et la permanence. En contestant que l’Autre constitue un simple collaborateur égologique, Levinas rétablit contre Husserl le privilège de la succession sur la simultanéité. Si la notion cinématographique de hors-champ offre à une phénoménologie de la perception un laboratoire d’élection, elle permet encore et surtout d’éprouver la relation à l’Autre comme relation éthique de subordination à l’antérieur, l’Autre étant, comme dit Levinas, le «premier venu». Le cinéma permet de penser un hors-champ de la perception non seulement dynamique, mais discordant.