Abstract
L’objet de cet article est de confronter les thèses de l’essai de Hume Superstition et enthousiasme, paru en 1741 dans le recueil des Essais moraux et politiques, à quelques-uns des développements que Hume consacre à ces deux formes de religion ou à ces deux modalités de la religion dans son Histoire d’Angleterre, parue entre 1754 et 1761. Il s’agira ainsi de contribuer à restituer, grâce à un examen de l’Histoire, l’intégralité de la position de Hume sur la question de la superstition et de l’enthousiasme [1] Pour présenter l’intégralité de cette position, il... [1] . L’enjeu d’une telle restitution n’est pourtant pas seulement interne aux études humiennes : il consiste également à montrer comment une narration historique circonstanciée a pu permettre à un philosophe devenu historien de préciser – voire d’amender – une certaine critique « philosophique », à la généralité parfois ambiguë, sur l’enthousiasme et la superstition. Ce faisant, le présent article pourrait permettre d’ajouter un nouvel axe aux articles réunis dans le cadre de ce volume. La confrontation des « crises religieuses » et de la « critique philosophique » de l’enthousiasme s’entend en effet d’abord de la manière suivante : les critiques philosophiques de l’enthousiasme s’inscrivent sur fond de crises religieuses ou, mieux, sont suscitées par elles. Mais on peut penser aussi – et c’est ce que j’entends montrer, pour ma part, à travers l’évolution de Hume sur la question de l’enthousiasme et de la superstition – qu’une étude proprement historique des crises religieuses peut avoir pour effet de moduler ou d’amender une critique philosophique des passions religieuses, quand bien même cette dernière (comment en serait-il autrement pour une philosophie empiriste ?) entendait prendre appui sur l’histoire.