Abstract

1. Le but de cette étude est d'élucider quelques traits de la philosophie hégélienne, comme „technique de la consolation”, pour en tirer quelques conclusions pratiques quant à la situation de la philosophie et de la théologie contemporaines, en particulier en ce qui concerne l'élaboration du problème de l'angoisse. Nous essayons d'y parvenir en partant d'une esquisse rapide du genre littéraire antique de la „littérature de la consolation”. Et ensuite par une interprétation de quelques traits de la pensée post-hégélienne, en particulier de Kierkegaard, Marx, Nietzsche et Freud. 2. En effet, la „raison élargie” impliquée dans l'entreprise philosophique de Hegel ne se laisse-t-elle pas interpréter comme l'effort de pratiquer une technique d'assimilation et de dépassement de l'histoire ? Et ne représente-t-elle pas dès lors une reprise prestigieuse de deux traits fondamentaux de la philosophie consolatrice antique, l'un étant la „technè alupias” (l'art de consoler) et l'autre la „ préméditation" (des souffrances) ? 3. A partir de cette hypothèse d'interprétation, les réactions des auteurs cités se comprendaient comme une révision de la fonction consolatrice de la philosophie. En fait nous nous sommes restreints à signaler le déplacement du sens de quelques concepts fondamentaux, en particulier des concepts de „travail”, „réalité”, „angoisse” et „souffrance”. Par ce déplacement la raison s'est „élargie” de nouveau, mais non point pour arriver à un nouveau couronnement ou une espèce de super-structure philosophique. Au contraire : une nouvelle dimension, d'un tout autre ordre, fut symbolisée par plusieurs auteurs dans la figure de l'enfant. 4. En ce symbole une certaine critique de la conception hégélienne de la philosophie se résume, nous semble-t-il, comme en une synthèse paradoxale d'une „ excroissance" (Ricoeur) et d'une „discrétion” qui se manifestent à la fois. La place centrale de la libre raison dans l'homme est fortement contestée. Et pourtant : dans cette même expérience d'une liberté liée et finie et des limites de la philosophie „dépassante”, semble s'annoncer une consolation d'un autre ordre. 5. Deux thèmes en particulier nous servent comme point de repère pour une étude des tâches actuelles de la théologie contemporaine : celui du travail (et du changement de notre monde en monde de travail) en celui de „l'apprentissage” (la figure de l'enfance en quête de la sagesse). En devenant indépendantes, les sciences ont fait subir une métamorphose profonde à la technique de la consolation antique et médiévale. Dans et par la révolution industrielle, cette „technique de la consolation” s'est changée en consolation par la technique, assise et maîtrisante. La préméditation antique se montre changée en prognose et prospective. Partant de cette situation, c. à. d. du primat actuel de la praxis économique, les tâches les plus urgentes de la théologie contemporaine concernent, à notre avis, une théologie de l'histoire et de la culture, et une fondation nouvelle des droits inaliénables de la parole et de la contemplation dans un milieu imprégné par le travail économique. Mais la théologie, d'où tire-t-elle en fait les vraies questions originelles et pertinentes ? 6. En définitive, on tentera de s'approcher d'une attitude fondamentale, requise pour la théologie, si elle veut échapper aux deux écueils d'une érudition arriviste et d'un obscurantisme activiste. Si cette attitude fondamentale se laisse dessiner d'après le symbole de l'enfant et du disciple (Kierkegaard), comment une telle théologie se fera-t-elle entendre dans un monde, où une partie de l'humanité règne en maître, et où, d'autre part, beaucoup d'hommes sont exclus des consolations minimales qu'une techniques économique pourrait fournir ?