Abstract
RÉSUMÉ: Cet article présente une critique de la position dite de l’ «ironie morale», une position philosophique passablement répandue dans la culture intellectuelle con temporaine et dont la caractéristique centrale est de mettre en question de façon radicale le concept de vérité morale. En m’appuyant sur la lecture de Foucault pro posée par Robert Réal Fillion, je dégage les présuppositions qui sont au cœur de la position en question. Je souligne ensuite ses implications pragmatiques; en acceptant le gambit épistémologique, crucial en l’occurrence, selon lequel toutes les affirmations d’ordre moral sont en dernière analyse des descriptions fausses, nous renonçons en fait à notre capacité de juger d’une manière signifiante qu’un état de choses, une ligne de conduite, etc., est qualitivement supérieur à un autre. La question ici posée est donc la suivante: étant admis que la conception ironique de la moralité implique cette perte considérable, les raisons fournies en sa faveur sont-elles suffisamment bonnes pour étayer une attitude aussi forte et aussi radicale à l’endroit de la moralité et de la vérité? Ma thèse est qu’elles ne le sont pas et qu’en réalité on s’abuse en acceptant pour nécessaire et inévitable cette conception débilitante de la moralité. Les raisons sur la foi desquelles cette conclusion est admise semblent inattaquables à première vue, mais il se révèle à y regarder de plus près qu’elles sont non concluantes et inadéquates, ou qu’elles requièrent à tout le moins une révision sérieuse.