Abstract
L’une des tâches de la phénoménologie transcendantale, que Husserl lui-même définit comme une science éidétique des phénomènes transcendentalement réduits, est de découvrir des lois a priori matérielles d’un type spécial : des lois éidétiques descriptives établies sur la base de concepts descriptifs purs. Cet article s’attache d’abord à préciser la notion husserlienne d’essence au le sens large, définie comme une fonction d’état-de-choses (Sachverhaltsfunktion) ; une telle fonction noématique est le corrélat « objectif » de cette fonction propositionnelle que nous appelons « concept » et qui est une partie de la proposition, c’est-à-dire de la visée-d’état-de-choses (Sachverhaltsmeinung) par laquelle on projette un état-de-choses. En revanche, par essences au sens étroit ou strict on entend ces essences pures que Husserl appelle « Eide ». Le concept d’essence pure propre à l’éidétique descriptive phénoménologique est ainsi clarifié par une explication de la notion husserlienne de « concept descriptif pure », dans le but de montrer comment ces concepts, qui sont des pures concepts de types, se distinguent des concept descriptifs impures, et notamment des concepts dénotant des genres naturels. Fondées exclusivement sur des concepts descriptifs purs, les lois éidétiques descriptives (Wesensgesetze) possèdent des conditions de vérités particulières et nécessitent de modalités d’examen tout autant spécifiques. La place propre à la méthode appelée « variation éidétique » est justement celle de examiner, falsifier ou justifier des lois éidétiques descriptives présumées. A partir de cas exemplaires d’états-de-choses familiers confirmant les lois présumées, la variation libre, qui opère dans la pure imagination, a pour tâche de construire des contre-exemples possibles dont le but est de falsifier la loi éidétique présumée. La propriété d’être falsifiable par des contre-exemples construits dans la pure imagination permet de distinguer les lois empiriques des lois éidétiques descriptives de l’éidétique husserlienne. La possibilité de falsifier par des contre-exemples fictionnels ou factuels montre que la phénoménologie transcendantale est une entreprise scientifique ouverte à l’examen intersubjectif, et cela justement en raison de son caractère éidétique.