Abstract
Dans cet article, je tente de montrer que le principe d’impartialité et de généralisation qui définit le point de vue moral s’accommode mal de la distinction entre discours moral et discours éthique proposée par Habermas. Alors que celuici relie le jugement moral à un processus de décontextualisation qui affranchit le discours de ses réferences symboliques immédiates, je suggère plutôt, à la suite d’A. Wellmer, d’y voir une règle d’impartialité immanente aux situations d’action. Dans cette foulée, je propose un examen critique du Principe “U” qui gît au coeur de la Diskursethik mais aussi de la théorie du consensus sur laquelle s’appuie ce principe, tout en reconnaissant par ailleurs l’importance de la philosophie de Habermas pour la théorie morale contemporaine. A la toute fin, j’aborde la question de l’enracinement du moral point of view dans la forme de vie moderne, en suggérant que sa conception de I’impartialité est peut-être elle-même liée à une certaine représentation du bien qui lui est propre. Faut-il alors maintenir la séparation étanche qu’etablir Habermas entre discours moral et discours éthique? Rien n’est moin sûr.I attempt to show that the principle of impartiality and generalization that defines the moral point of view is irreconcilable with Habermas’s distinction between moral and ethical discourse. While Habermas imposes a process of decontextualization upon moral judgment, which frees discourse from its immediate symbolic references, I suggest, following A. Wellmer, that an impartiality rule be extracted from them. Similarly, I undertake a critical analysis of the “U” principle at the heart of the Diskursethik and the underlying consensus theory, while recognizing the importance of Habermas’s philosophy for contemporary moral theory. Finally, I address the question of the entrenchment of the moral point of view in the modern life form. I suggest that his concept of impartiality is perhaps linked to a certain representation of the good peculiar to him. Should the impermeable division established by Habermas between moral and ethical discourse be maintained? Nothing is less certain.