Abstract
De nombreuses recherches ont mis en évidence le fait que les épicuriens n’étaient pas complètement hostiles à la poésie en général mais qu’ils refusaient probablement les compositions ou procédures poétiques qui ne conduisent pas à la fin naturelle du plaisir « catastématique », c’est-à-dire le bonheur. Dans cet article, nous nous demanderons donc si les épicuriens ont inventé une poésie cathartique de type positif ou s’ils ont simplement rejeté toutes les formes de catharsis poétique en les décrivant comme des expériences négatives. Nous constaterons dans ce travail de recherche, divisé en trois parties, que la première hypothèse est plus probable que la seconde. Dans un premier temps, nous démontrerons que les épicuriens ont effectivement reconnu l’existence d’une catharsis positive, transmise par la raison et l’enseignement de la philosophie, ayant la capacité de faire disparaître les émotions négatives qui entravent l’accès au bonheur (l’amour, la peur du divin, le désir excessif, etc.). L’idée développée, dans un second temps, établit qu’Épicure et ses disciples pourraient s’être opposés à la catharsis tragique décrite dans la Poétique d’Aristote, parce qu’elle implique de passer par des passions négatives telles que la pitié et la terreur. Cette expérience esthétique entrerait alors en contradiction avec l’idéal épicurien du plaisir comme absence de trouble et d’inquiétude psychique. Enfin, dans un troisième temps, nous exposerons l’idée selon laquelle les épicuriens pourraient avoir accepté une seule forme de catharsis poétique : celle facilitant le processus de purification effectué par la raison et l’enseignement de la philosophie. Un exemple possible de cette pratique est le poème De rerum natura de Lucrèce dans lequel la poésie n’est pas considérée comme cathartique en soi, mais si et seulement si elle assiste la philosophie épicurienne dans sa conquête du bonheur.