Dans un célèbre petit volume, Les passions et les intérêts, l’économiste Albert O. Hirschman retrace la formation, aux XVIIe et XVIIIe siècles, de ce qu’il nomme la « doctrine du doux commerce », qui est constitutive de la pensée libérale et qui fut développée alors « en faveur du libre essor des activités lucratives privées ». Selon Hirschman, une première version du doux commerce met en exergue les effets pacificateurs du commerce, en insistant pour ce faire sur une opposition entre (...) intérêt... (shrink)

Cet article explore un point aveugle de la thèse d’Albert O. Hirschman dans Les passions et les intérêts : le topos du doux commerce aurait disparu des consciences au XIXe siècle en raison des conséquences sociales de la révolution industrielle. Pourtant, dans les débats qui animèrent les penseurs « industrialistes » sous la Restauration (1814-1830), l’association entre paix civile et développement économique prit de nouvelles formes topiques et argumentatives avec le passage conceptuel de la « nation commerçante » à la (...) « société industrielle ». Ce passage n’est pas neutre : il reconfigura la topographie du doux commerce. D’une part, le thème de l’industrie pacifique superposa au modèle de l’échange marchand (délibératif et plutôt égalitaire) celui de l’atelier productif (coopératif et plus hiérarchique). D’autre part, il ouvrit la perspective non plus d’un simple adoucissement, mais d’une substitution radicale de l’intérêt aux passions et d’une élimination totale du conflit par la paisible exploitation de la nature. Toutefois, l’émergence de la question sociale sema la discorde au sein des industrialistes : sans rejeter entièrement le lieu commun, les saint-simoniens se séparèrent des libéraux en détachant le thème de l’industrie pacifique du dogme de la libre concurrence. (shrink)

Michel Foucault n'est pas réputé être un théoricien de l'Etat, mais un penseur du pouvoir partout où il se trouve (dans l'école, la prison, la caserne, l'usine, l'hôpital). Et pourtant, il apparaît qu'il s'était lancé dans une grande généalogie de l'Etat moderne. Cet ouvrage se propose de dissiper ce paradoxe en démontrant deux choses. Oui, il existe bel et bien une théorie foucaldienne de l'Etat : elle n'est ni systématique ni achevée, mais on peut la reconstituer tant à partir de (...) la fabuleuse richesse des textes de Foucault qu'en le faisant dialoguer avec de grandes entreprises voisines, venues de la philosophie et des sciences sociales : le marxisme, Weber, Elias et Bourdieu, entre autres. Oui, la généalogie est compatible avec la sociologie. Les concepts de biopolitique, discipline, pastorale, gouvernementalité ne sont pas autre chose que des outils pour saisir l'étatisation des rapports de pouvoir, c'est-à-dire les processus de monopolisation politique qui, du Moyen Age à nos jours, sont au principe de nos prétendus Léviathans en Europe. L'Etat? Non pas le plus froid de tous les monstres froids, ni seulement un grand appareil répressif, mais l'effet et l'opérateur de gouvernementalités multiples, de rationalités hétérogènes, de dispositifs variés. Ceci n'est pas un nouveau livre sur Foucault. C'est un livre sur l'Etat et la possibilité toujours vivante d'en faire une théorie, retrempée dans l'eau acide de la généalogie. (shrink)

Part of a collective project for promoting the study of the history of political ideas within the field of the social sciences in French academia, this interview focuses on method, and more specifically on Prof. Quentin Skinner's relationship to the social sciences (from Max Weber to Peter Winch and Pierre Bourdieu). Questions were sent in French, via email, to Quentin Skinner, who answered them in English. The answers were then translated into French and the interview was published in Vers une (...) histoire sociale des idées politiques, ed. Chloé Gaboriaux and Arnault Skornicki (Villeneuve d'Ascq: Presses Universitaires du Septentrion, 2017). For editorial reasons, one question and response, regarding method in the Italian tradition of the history of ideas, had to be omitted; it is reintroduced here. The questions have been translated for Theoria by Victor Lu. Quentin Skinner is Emeritus Professor in the Humanities at Queen Mary University of London and co-director of the Centre for the Study of the History of Political Thought (London); Arnault Skornicki is Senior Lecturer at Paris Nanterre University (Institut des Sciences Sociales du Politique); and Jérémie Barthas is Researcher at the CNRS (Institut d'Histoire Moderne et Contemporaine). (shrink)

Americans cherish the idea that good eventually triumphs over evil. After briefly arguing that a proper understanding of the moral harm of cruelty calls into question the credibility of popular American idioms of redemption, I argue that the epistemic dynamics of horror help account for the commanding grip of this rhetoric on the popular imagination, and I suggest that this idiom has morally problematic features that warrant the attention of feminists.

: Americans cherish the idea that good eventually triumphs over evil. After briefly arguing that a proper understanding of the moral harm of cruelty calls into question the credibility of popular American idioms of redemption, I argue that the epistemic dynamics of horror help account for the commanding grip of this rhetoric on the popular imagination, and I suggest that this idiom has morally problematic features that warrant the attention of feminists.

This volume is fourth in the series of annuals created under the auspices of The Association for Feminist Ethics and Social Theory . The topics covered herein_from peacekeeping and terrorism, to sex trafficking and women's paid labor, to poverty and religious fundamentalism_are vital to women and to feminist movements throughout the world.

Le Manifeste du rio Negro (in Journal du rio Negro, 1978-2014) est l’un des premiers textes majeurs publiés en France au sujet de l’art écologique. Quoique d’un impact limité lors de sa diffusion, il est désormais repris et commenté par les acteurs de l’art contemporain. Dans ce texte, Pierre Restany s’inquiète de la relation art-nature, une fois n’est pas coutume. À partir de notre lecture de son journal, nous interrogeons les gestes des successeurs de Restany. Depuis l’émergence de l’art écologique, (...) plusieurs éléments constitutifs participent à définir la critique de cet art. Quels sont les modes d’appréciation privilégiés par les critiques? Sur quels critères fondent-ils leurs évaluations des œuvres? (shrink)

Eric Crégheur, Jeffery Aubin, Alice Fanguet, Gavin McDowell, Louis Painchaud, Paul-Hubert Poirier, Simon St-Arnault-Chiasson, Philippe Therrien, Benoît Tissot et Yann Vadnais.

The article proposes a comparison between the critique that Antoine Arnault (1612-1694) raises against Malebranche’s views on perception and the critique that Thomas Reid (1710-1796) moves against the theory of ideas defended by Berkeley and Hume. Both Arnault and Reid advocate a position according to which our perceptions allow us to have direct knowledge of material objects existing independently of us and not only of representations of them. Arnault proposes different arguments to refute Malebranche. In doing that (...) he doesn’t completely reject the Cartesian representational account of perception. Reid is more radical: in order to refuse Berkeley and Hume he rejects the whole theory of ideas, and focuses instead on the mental powers through which we cognize reality. (shrink)

The article proposes a comparison between the critique that Antoine Arnault (1612-1694) raises against Malebranche’s views on perception and the critique that Thomas Reid (1710-1796) moves against the theory of ideas defended by Berkeley and Hume. Both Arnault and Reid advocate a position according to which our perceptions allow us to have direct knowledge of material objects existing independently of us and not only of representations of them. Arnault proposes different arguments to refute Malebranche. In doing that (...) he doesn’t completely reject the Cartesian representational account of perception. Reid is more radical: in order to refuse Berkeley and Hume he rejects the whole theory of ideas, and focuses instead on the mental powers through which we cognize reality. (shrink)